Ktorphée

Séminaire de mathématiques

Les mathématiques meurent des epsilon. L’enseignement standardisé s’attarde sur la technique, néglige les idées-forces, et fait de nous des plombiers blasés. Sur d’almes bancs on rêve à l’École normale de l’an III, à l’irrigueur fertile de la tradition soviétique, en remâchant ses développements limités. Les mathématiques ne seraient-elles qu’un outil, et non une sensibilité ? Les sirènes de la science, entendues dans nos rêves d’adolescents, n’avaient pas la voix des séries hypergéométriques.

À rebours des ciels sereins, descendons au cœur des idées. Notre discipline vit par les concepts, non par les artifices. Ce fait limpide est trop peu répété ; pourtant la rumeur en vole, comme d’une liberté scandaleuse, parmi les étudiants prompts à toutes les révolutions. Nous languissons des aperçus vertigineux trop rares en cours. Ce séminaire est une exposition nocturne, intime et dépouillée.

Une descente prend la nuit. Compter six heures de marche pour une heure, fractionnée, d’exposé. On descend dans les ténèbres, on s’y promène, et l’on y parle de belles mathématiques. Seules de brèves haltes dans l’exploration souterraine permettent de développer les thèmes. L’obscurité contraint l’orateur à présenter, dans une épure singulière, les matières qu’il a mûries. — L’essentiel est ce qu’il reste de la science, quand la technique n’offre plus ses confortants refuges. Nous gageons que, sur le tableau toujours noir des Catacombes, peut jaillir la clarté mathématique.